Le maqâm oriental : système musical complexe aux multiples variations

Imaginez les sonorités envoûtantes d'un oud vibrant sous les doigts d'un musicien chevronné, tissant des mélodies qui racontent des histoires séculaires. Cette musique, souvent empreinte d'une profonde spiritualité, est le fruit d'un système musical complexe et raffiné : le maqâm oriental. Il est bien plus qu'une simple gamme ; c'est un univers sonore riche en émotions, en subtilités et en variations, profondément enraciné dans les cultures du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord, et influençant même des régions d'Asie Centrale et du bassin méditerranéen.

Le maqâm représente un système modal sophistiqué et élaboré, fondamental dans la musique classique et folklorique des régions s'étendant du Moyen-Orient à l'Afrique du Nord, en passant par certaines parties de l'Asie Centrale. Il constitue l'épine dorsale de traditions musicales millénaires. Nous examinerons comment les musiciens contemporains continuent de faire vivre et d'innover autour de ce patrimoine.

Les fondamentaux du maqâm : un voyage au coeur de la musique orientale

Pour appréhender pleinement la richesse et la complexité du maqâm, il est essentiel de comprendre ses fondements théoriques et pratiques. Ces fondements reposent sur une structure mélodique élaborée, une utilisation spécifique et nuancée des intervalles, et une gestion subtile de la tonalité et de la modulation. La beauté intrinsèque du maqâm réside dans sa capacité à combiner harmonieusement ces éléments constitutifs de manière à créer une expérience musicale unique, profondément expressive et spirituellement enrichissante. Cette section dévoile les mécanismes précis qui régissent ce système modal sophistiqué, ouvrant les portes à une meilleure compréhension de son langage.

La structure du maqâm : ajnâs (genres) et sayr (course mélodique)

La colonne vertébrale du maqâm est constituée d'ajnâs, des cellules mélodiques ou "genres" musicaux, qui s'assemblent et interagissent pour former l'échelle modale caractéristique. Chaque ajnâs possède un caractère distinct, contribuant à la couleur unique et à l'identité émotionnelle du maqâm dans son ensemble. La manière précise dont ces ajnâs sont agencés, enchaînés et parcourus séquentiellement, appelée "sayr," définit la trajectoire mélodique globale et l'expression générale de la composition. L'interaction subtile et dynamique entre les ajnâs et le sayr crée une musique d'une complexité fascinante, riche en nuances et en possibilités expressives. Cette structure, souvent comparée à un labyrinthe sonore, offre aux musiciens une liberté créative immense tout en respectant un cadre précis.

Les ajnâs peuvent être perçus comme des "genres" musicaux miniatures, des briques élémentaires qui construisent et façonnent la mélodie. Ils sont rigoureusement classés en fonction de leur structure intervallique interne et peuvent être majeurs, mineurs, neutres, ou appartenir à d'autres catégories spécifiques, chacune possédant ses propres caractéristiques sonores et expressives. Par exemple, on peut citer :

  • **Rast:** L'un des maqâmat les plus fondamentaux, caractérisé par un sentiment général de stabilité, d'assurance et de force tranquille. Il est souvent utilisé pour exprimer des émotions positives et majestueuses.
  • **Bayati:** Un maqâm expressif, souvent utilisé pour exprimer un large éventail d'émotions, allant de la tristesse profonde et de la mélancolie contemplative à la tendresse et à la nostalgie. Son caractère poignant en fait un choix privilégié pour les chants d'amour et les lamentations.
  • **Hijaz:** Immédiatement reconnaissable à son intervalle augmenté caractéristique, le maqâm Hijaz évoque une sensation d'exotisme mystérieux, de tension dramatique et d'intensité émotionnelle. Il est fréquemment utilisé pour représenter des scènes de passion, de conflit ou de transe spirituelle.
  • **Sikah:** Connue pour son intervalle de seconde diminuée, ce maqam apporte une couleur très particulière au morceau.

Le "sayr," quant à lui, est le chemin mélodique, la "course" que le musicien emprunte pour guider l'auditeur à travers le maqâm. Il comprend des points de départ et d'arrivée spécifiques, des notes pivots autour desquelles la mélodie gravite, ainsi que des motifs mélodiques caractéristiques qui définissent son identité propre. Le sayr n'est pas conçu comme une contrainte rigide, mais plutôt comme une ligne directrice souple et flexible que le musicien peut explorer avec créativité, en y apportant ses propres variations et improvisations. Comprendre et maîtriser le sayr est absolument essentiel pour saisir pleinement l'identité propre et l'expressivité unique de chaque maqâm.

Le rôle crucial des intervalles et des microtones dans le maqâm oriental

La musique maqâm se distingue radicalement des traditions musicales occidentales par son utilisation d'intervalles spécifiques, souvent différents et plus subtils que ceux des gammes diatoniques occidentales. L'introduction de microtones, c'est-à-dire d'intervalles musicaux plus petits qu'un demi-ton, ajoute une dimension expressive unique, une richesse harmonique incomparable et contribue de manière significative à la couleur distinctive de la musique. Ces microtones, qui sont intrinsèquement difficiles à retranscrire avec précision en utilisant la notation occidentale conventionnelle, sont considérés comme essentiels à l'authenticité du maqâm et font partie intégrante de son charme et de son attrait intemporels. On estime que l'oreille humaine peut discriminer jusqu'à 24 intervalles différents dans un demi-ton, ce qui offre aux musiciens une palette sonore d'une richesse inouïe.

Ces microtones sont produits par des ajustements subtils et précis dans le doigté ou l'embouchure du musicien, des variations qui dépendent étroitement de la nature et des caractéristiques spécifiques de l'instrument utilisé. Sur un oud, par exemple, le musicien peut modifier légèrement la position de ses doigts sur les cordes, exerçant une pression variable pour obtenir les intervalles microtonaux précis recherchés. De même, sur un violon oriental (kamanja), le musicien doit faire preuve d'une grande précision et sensibilité dans le positionnement de ses doigts sur la touche, en ajustant constamment la pression et l'angle pour produire les nuances microtonales subtiles. La maîtrise de ces techniques exige une sensibilité auditive exceptionnelle, une coordination motrice fine et une pratique assidue pendant de nombreuses années. Un musicien expérimenté consacrera souvent des années entières à perfectionner sa capacité à produire et à contrôler ces subtilités microtonales, qui sont au cœur de l'expressivité du maqâm.

La tonalité (asl) et la modulation (tanaqqul) dans l'univers du maqâm

Chaque maqâm possède une tonalité fondamentale, appelée "asl," qui influence de manière significative le caractère général et l'atmosphère émotionnelle de la mélodie. L'asl agit comme un point d'ancrage, un centre de gravité autour duquel la mélodie gravite et se déploie. Cependant, la musique maqâm ne se limite pas à l'exploration d'une seule et unique tonalité. Le concept de "tanaqqul," qui se traduit par modulation ou transition, permet de passer subtilement et harmonieusement d'un maqâm à un autre au sein d'une même performance musicale. Ce processus de modulation crée du contraste, de la variété et un intérêt narratif au sein de la composition. La maîtrise de ces modulations subtiles et expressives est souvent considérée comme un signe de grande virtuosité musicale et d'une compréhension profonde du système maqâm. Environ 12 tonalités principales sont utilisées dans le système maqâm, chacune offrant un caractère distinctif.

L'"asl" peut être envisagé comme le point d'ancrage du maqâm, le fondement à partir duquel la mélodie se développe, s'épanouit et prend son envol. Le "tanaqqul," en revanche, introduit une dimension dynamique, imprévisible et narrative dans la musique. Ces modulations sont souvent subtiles et progressives, mais elles peuvent transformer radicalement l'ambiance émotionnelle et la direction de la musique, créant des moments de surprise, de tension et de résolution. Ces changements subtils sont parfois imperceptibles à l'oreille non avertie, mais ils contribuent énormément à la richesse harmonique et à la complexité structurelle de la musique maqâm. Un musicien habile peut utiliser le tanaqqul pour raconter une histoire, exprimer une gamme d'émotions ou créer un voyage sonore captivant pour l'auditeur.

Variations régionales et culturelles : un kaléidoscope de styles musicaux

Le système maqâm, bien qu'il repose sur un ensemble de principes théoriques communs, présente des variations significatives et fascinantes selon les régions et les cultures où il est pratiqué. Ces variations se manifestent dans une multitude d'aspects, notamment le choix des maqâmat les plus populaires et les plus utilisés, les styles d'interprétation vocale et instrumentale, l'intégration d'éléments rythmiques et mélodiques spécifiques à chaque tradition musicale locale, et l'utilisation d'instruments de musique particuliers. L'exploration de ces variations régionales et culturelles permet de mieux appréhender l'immense richesse, la diversité et la vitalité de la musique du Moyen-Orient et des régions avoisinantes. Chaque région apporte sa propre couleur, sa propre saveur et sa propre interprétation du système maqâm, enrichissant ainsi le patrimoine musical commun et favorisant un dialogue interculturel fécond. Il existe plus de 70 maqams principaux dans le répertoire traditionnel, chacun avec ses propres particularités régionales.

Le maqâm égyptien : L'Héritage d'umm kulthum et des grands maîtres

La musique égyptienne, en particulier la musique classique associée à des figures emblématiques telles que la légendaire Umm Kulthum et d'autres grands maîtres de la chanson arabe, occupe une place centrale et influente dans l'histoire et le développement du système maqâm. Les compositions égyptiennes se caractérisent par une mise en valeur exceptionnelle de la virtuosité vocale, une utilisation expressive et sophistiquée des maqâmat, des orchestrations riches et complexes, et une profonde connexion avec la poésie arabe classique. L'influence de la musique égyptienne s'étend bien au-delà des frontières du pays, touchant l'ensemble du monde arabe et inspirant des générations de musiciens. Le succès phénoménal d'artistes comme Umm Kulthum, dont les concerts attiraient des foules immenses et dont la musique était diffusée à grande échelle par la radio et la télévision, a contribué à populariser la musique savante et à faire connaître la beauté et la complexité du maqâm à un public plus large. Le répertoire d'Umm Kulthum compte plus de 300 chansons, dont beaucoup sont devenues des classiques de la musique arabe.

Certains maqâmat sont particulièrement populaires et fréquemment utilisés dans la musique égyptienne. Parmi eux, on peut notamment citer :

  • **Nahawand:** Un maqâm polyvalent et expressif, souvent associé à des émotions de joie, d'optimisme et de célébration. Il est fréquemment utilisé dans les chansons festives et les pièces instrumentales entraînantes.
  • **Kurd:** Un maqâm profondément expressif, caractérisé par un sentiment de tristesse, de mélancolie, de nostalgie et de rêverie. Il est souvent utilisé pour exprimer des émotions introspectives et des sentiments de perte.
  • **Hijaz Kar Kurd:** Une combinaison complexe et raffinée de deux maqâmat distincts, Hijaz et Kurd, créant une sonorité unique, reconnaissable et intensément expressive. Ce maqâm est souvent utilisé pour exprimer des émotions contrastées et des états d'âme complexes.
  • **Rast 'ala Duka:** Une variation du maqâm Rast qui commence sur la note Duka, lui conférant une couleur particulière.

La musique égyptienne a également contribué à populariser et à codifier la forme du "longa," une pièce instrumentale vive et virtuose, souvent utilisée comme une introduction brillante et entraînante à un concert de musique classique arabe. Ces longas mettent en valeur la virtuosité des musiciens, la beauté des mélodies basées sur le maqâm et la richesse des orchestrations.

Le maqâm en turquie : entre tradition ottomane et modernité

La musique classique ottomane, qui s'est développée à la cour des sultans et dans les cercles intellectuels de l'Empire ottoman pendant plusieurs siècles, représente un autre pilier fondamental et influent du système maqâm. Cette musique, raffinée, complexe et profondément spirituelle, met en valeur l'improvisation instrumentale et vocale, la poésie mystique soufie et l'interaction subtile et harmonieuse entre la voix et les instruments traditionnels. Le maqâm est au cœur de cette tradition musicale, fournissant le cadre mélodique et expressif pour les compositions savantes et les improvisations inspirées. L'influence de la musique ottomane s'étend sur plusieurs siècles, influençant les musiques de tout le pourtour méditerranéen, des Balkans au Moyen-Orient. De nombreux compositeurs talentueux ont contribué à enrichir ce vaste répertoire, créant une tradition musicale d'une richesse, d'une diversité et d'une sophistication exceptionnelles.

Dans la musique turque, les maqâmat interagissent étroitement et de manière complexe avec les "usûl," qui sont des cycles rythmiques sophistiqués et structurés. Ces cycles rythmiques, qui varient considérablement en longueur et en complexité, fournissent un cadre temporel précis et régulier pour la musique, contribuant ainsi à sa structure globale, à son dynamisme rythmique et à son caractère expressif. L'interaction subtile et dynamique entre le maqâm, qui définit le contenu mélodique, et l'usûl, qui régit l'organisation rythmique, est un élément clé de l'esthétique et de la beauté de la musique turque classique. Certains usûl sont particulièrement longs, pouvant atteindre plus de 100 temps.

Parmi les maqâmat turcs les plus distinctifs et les plus utilisés, on peut notamment citer :

  • **Hicaz:** Un maqâm intensément expressif et poignant, souvent utilisé pour exprimer une gamme d'émotions fortes, allant de la passion amoureuse intense et du désir ardent à la douleur profonde et au regret mélancolique.
  • **Rast:** Un maqâm majestueux, imposant et digne, souvent associé à des sentiments de grandeur, de pouvoir, de noblesse et de spiritualité élevée. Il est fréquemment utilisé dans les compositions instrumentales et vocales qui célèbrent la gloire de Dieu ou la grandeur de l'Empire ottoman.
  • **Uşşak:** Un maqâm doux, mélancolique, introspectif et rêveur, souvent utilisé pour exprimer des émotions de tendresse, de nostalgie, de mélancolie douce et de contemplation poétique. Il est privilégié pour les chansons d'amour et les pièces instrumentales qui évoquent des paysages intérieurs paisibles.
  • **Nikriz**: Un maqam qui exprime la mélancolie.

Le maqâm irakien : une tradition vocale et improvvisée

Le maqâm irakien, souvent inextricablement lié à l'ensemble musical traditionnel "Chalghi Baghdadi," se distingue par son emphase particulière sur la voix humaine et sur l'improvisation musicale. Le chanteur joue un rôle central et prédominant dans la performance, utilisant son talent et sa créativité pour improviser des passages mélodiques complexes et expressifs, appelés "taqsim," qui explorent les nuances subtiles du maqâm et communiquent des émotions profondes à l'auditoire. Le Chalghi Baghdadi, qui est un ensemble instrumental typique de la ville de Bagdad, accompagne et soutient le chanteur, créant une ambiance musicale riche, expressive et immersive. Cette tradition musicale est transmise oralement et directement de maître à élève, assurant ainsi la pérennité du maqâm irakien et la préservation de ses caractéristiques uniques. Il existe de nombreux artistes contemporains qui s'efforcent activement de faire connaître et d'apprécier la musique irakienne, y compris le maqâm, au-delà des frontières du pays.

Parmi les chiffres importants de la musique irakienne, on peut citer Mohammad Al-Qubbanchi, considéré comme une figure emblématique du maqam irakien au XXe siècle. Sa carrière, qui s'étend sur plusieurs décennies, a contribué à populariser le genre musical et à le faire connaître auprès d'un large public. On estime qu'il a enregistré plus de 500 maqams différents au cours de sa vie.

L'influence du maqâm dans d'autres régions musicales du monde

L'influence du système maqâm s'étend bien au-delà des frontières géographiques du Moyen-Orient. On retrouve des traces significatives de ce système musical complexe et raffiné dans une variété de traditions musicales différentes à travers le monde. Parmi ces influences, on peut notamment citer : la musique andalouse, héritée de la période de la présence musulmane en Espagne ; les traditions musicales du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) ; le "mugham" azéri, une forme d'art musical complexe et sophistiquée ; et le système "dastgâh" de la musique classique persane. Ces exemples diversifiés témoignent de l'impact durable et profond du maqâm sur le développement de la musique à travers le monde et soulignent son rôle important dans l'échange et le dialogue interculturel. Le maqâm peut être considéré comme une sorte de langage universel, capable de transcender les frontières culturelles et géographiques et de connecter les musiciens et les auditeurs de différentes régions et de différentes traditions musicales.

L'improvisation (taqsim) et l'expression émotionnelle dans le maqâm

L'improvisation musicale, en particulier sous la forme du "taqsim", occupe une place centrale et essentielle dans la performance de la musique maqâm. Le taqsim permet aux musiciens d'explorer librement les nuances subtiles et les possibilités expressives du maqâm, de démontrer leur virtuosité technique et leur sensibilité artistique, et de communiquer une gamme d'émotions profondes à l'auditoire. La voix humaine et la poésie, qui sont souvent intimement liées dans la musique maqâm, jouent également un rôle important dans l'expression émotionnelle, permettant de transmettre des significations subtiles, des images poétiques évocatrices et des sentiments intenses. La capacité à improviser avec créativité et à exprimer des émotions authentiques est considérée comme une compétence essentielle pour tout musicien de maqâm.

Taqsim : L'Art de l'improvisation instrumentale dans le maqâm

Le taqsim est une forme d'improvisation instrumentale qui permet aux musiciens de mettre en valeur leur créativité, leur virtuosité technique, leur connaissance approfondie du maqâm et leur capacité à communiquer des émotions à travers la musique. Le musicien explore librement les différentes facettes du maqâm, en utilisant une variété de motifs mélodiques complexes, d'ornements subtils, de modulations improvisées et de variations rythmiques raffinées. Le taqsim est souvent perçu comme un moment de communion profonde et intime entre le musicien et l'auditoire, un dialogue musical spontané qui transcende les mots et les concepts intellectuels. Bien qu'il y ait certaines règles de base et conventions à respecter, l'improvisation reste l'élément clé et le moteur créatif du taqsim.

Un taqsim commence généralement de manière lente, progressive et contemplative, explorant d'abord les notes fondamentales du maqâm et les relations harmoniques de base, avant de s'aventurer progressivement vers des régions plus complexes et plus expressives. Le musicien peut utiliser une variété de techniques spécifiques, telles que le "layali" (une forme d'ornementation vocale), pour ajouter de la profondeur et de la richesse émotionnelle à sa performance. Le taqsim culmine souvent dans un moment de grande intensité émotionnelle et de résolution musicale, laissant l'auditoire transporté et profondément touché par la beauté et la puissance de la musique. On peut dire que chaque taqsim est une histoire unique, racontée à travers le langage de la musique.

Les instruments qui sont le plus couramment utilisés pour le taqsim dans la musique maqâm comprennent :

  • L'oud (luth oriental)
  • Le nay (flûte en roseau)
  • Le qanun (cithare sur table)
  • Le violon (kamanja)
  • Le bouzouk (instrument à cordes pincées)

Chaque instrument apporte sa propre couleur, son propre timbre et ses propres possibilités expressives au taqsim, créant ainsi une expérience musicale unique et personnalisée. Le choix de l'instrument influence grandement le caractère général et l'atmosphère émotionnelle du taqsim.

Le rôle de la voix et de la poésie dans l'expression du maqâm

La musique maqâm est souvent intimement liée à la poésie arabe classique, qui fournit un cadre émotionnel, narratif et spirituel pour la musique. Les poèmes, qui sont souvent d'une grande beauté littéraire et d'une grande profondeur philosophique, explorent des thèmes universels tels que l'amour, la perte, la joie, la tristesse, l'exil, la spiritualité et la quête de sens. Les chanteurs utilisent les nuances expressives du maqâm, ainsi que des techniques vocales spécifiques, pour exprimer les émotions, les significations cachées et les images poétiques contenues dans les poèmes, créant ainsi une expérience artistique riche, complexe et multidimensionnelle. La musique et la poésie se complètent et s'enrichissent mutuellement, créant une forme d'art hybride qui transcende les limites des deux disciplines.

L'interprétation vocale joue un rôle crucial dans la transmission de l'émotion et de la signification du poème. Les chanteurs utilisent une variété de techniques vocales, telles que le "tahrir" (vibrato ornemental) et le "messa di voce" (contrôle dynamique de l'intensité du son), pour orner la mélodie, souligner les mots importants et exprimer une large gamme d'émotions et de sentiments subtils. La voix humaine est considérée comme un instrument puissant, capable de transmettre des émotions d'une intensité inégalée.

Le lien intime entre maqâm et émotion : un langage universel

Certains maqâmat sont traditionnellement et culturellement associés à des émotions ou à des états d'âme spécifiques. Par exemple, le maqâm Bayati est souvent associé à des sentiments de tristesse, de mélancolie, de nostalgie et de contemplation introspective, tandis que le maqâm Rast est plus fréquemment associé à des émotions de joie, d'optimisme, de célébration et de puissance. Cependant, il est important de souligner que ces associations ne sont pas rigides, universelles ou immuables. L'interprétation personnelle du musicien, son expérience émotionnelle et son contexte culturel jouent un rôle crucial dans la détermination de l'émotion qui sera finalement exprimée à travers la musique. On considère généralement que le maqâm Sba exprime une profonde tristesse et spirituelle.

Il existe une association implicite entre certains maqams et certains moments de la journée. Par exemple, certains maqams sont joués au lever du soleil, tandis que d'autres sont destinés à être joués la nuit. Cette association avec le temps contribue à renforcer l'atmosphère émotionnelle du morceau.

Le maqâm aujourd'hui : préservation, innovation et défis futurs

Aujourd'hui, le maqâm est confronté à une série de défis et d'opportunités complexes. La préservation des connaissances traditionnelles, la transmission du savoir-faire musical aux jeunes générations, l'adaptation créative du maqâm à la musique contemporaine et le maintien de la diversité culturelle sont autant d'enjeux importants pour l'avenir de cette tradition musicale. La créativité des musiciens, l'engagement des institutions musicales, le soutien des gouvernements et l'intérêt du public sont essentiels pour assurer la vitalité et la pérennité du maqâm. La musique du maqâm a traversé les siècles, témoignant de sa valeur intrinsèque et de sa capacité à s'adapter aux changements culturels et sociaux.

L'enseignement et la transmission du maqâm : un pont entre les générations

La transmission orale du savoir-faire musical, qui se fait directement de maître à élève de génération en génération, reste une pratique essentielle pour la préservation et la survie du maqâm. Les maîtres musiciens, qui ont consacré leur vie à l'étude et à la pratique du maqâm, transmettent patiemment et personnellement leur savoir à leurs élèves, en leur enseignant les subtilités du système musical, les techniques d'improvisation, les traditions orales et les valeurs culturelles associées au maqâm. Cette transmission orale garantit la pérennité du maqâm et préserve sa richesse et sa complexité. C'est un processus long, exigeant et intensif, mais il est indispensable pour assurer la continuité de la tradition.

Les institutions musicales, telles que les conservatoires de musique et les universités, jouent également un rôle de plus en plus important dans la préservation, la promotion et la diffusion du maqâm. Ces institutions offrent des cours de musique spécialisés, organisent des concerts et des festivals, soutiennent la recherche musicologique et encouragent la création de nouvelles compositions basées sur le maqâm. Les conservatoires de musique forment les musiciens de demain, en leur fournissant les connaissances théoriques, les compétences pratiques et la sensibilité artistique nécessaires pour perpétuer et enrichir la tradition du maqâm. Par exemple, le conservatoire de musique du Caire, fondé en 1929, est une institution prestigieuse qui a joué un rôle central dans la formation de générations de musiciens égyptiens et arabes.

Le maqâm et la musique contemporaine : un dialogue créatif

Le maqâm continue d'inspirer et de fasciner les musiciens contemporains, qui explorent de nouvelles façons d'intégrer ce système musical ancien et sophistiqué dans leurs propres compositions et créations artistiques. On assiste à une multiplication des fusions audacieuses et innovantes entre le maqâm et d'autres genres musicaux divers, tels que le jazz, la musique électronique, la musique classique occidentale, la musique du monde et le rock progressif. Ces expérimentations créatives témoignent de la vitalité du maqâm, de sa capacité à s'adapter aux changements culturels et de son potentiel à générer de nouvelles formes d'expression musicale. Le musicien tunisien Anouar Brahem a reçu de nombreuses récompenses pour son œuvre qui fusionne le jazz et le maqam. Il a enregistré plus de 10 albums salués par la critique internationale.

Le nombre d'étudiants qui choisissent de se spécialiser dans le maqam dans les conservatoires de musique a augmenté de 15% au cours des cinq dernières années, ce qui témoigne d'un intérêt croissant pour cette forme musicale.

Défis et opportunités pour l'avenir du maqâm

Le maqâm est confronté à une série de défis importants au XXIe siècle, notamment la perte progressive des connaissances traditionnelles, la domination de la musique occidentale dans l'industrie musicale mondiale, la standardisation des formats musicaux, le manque de soutien financier et de reconnaissance pour les musiciens traditionnels, et la difficulté de transmettre le savoir-faire musical aux jeunes générations dans un monde en mutation rapide. Il est essentiel de prendre des mesures concrètes et concertées pour préserver, promouvoir et soutenir le maqâm, afin d'assurer sa survie et sa vitalité pour les générations futures. La sauvegarde du patrimoine musical immatériel est un enjeu culturel majeur.

Cependant, la technologie moderne et la mondialisation croissante offrent également des opportunités inédites et passionnantes pour la diffusion, la promotion et l'appréciation du maqâm à travers le monde. Internet permet aux musiciens de partager leur musique avec un public global, de collaborer avec des artistes de différentes cultures, de créer de nouvelles formes d'expression musicale hybrides et d'échanger des idées et des connaissances avec une communauté mondiale d'amoureux de la musique. Les festivals de musique, les conférences universitaires et les programmes d'échange culturel favorisent également la découverte et l'appréciation des différentes traditions musicales du monde, y compris le maqâm. Grâce à ces outils et ces initiatives, le maqâm a le potentiel de toucher un public toujours plus large, de traverser les frontières géographiques et culturelles et de contribuer à un dialogue interculturel riche et constructif.

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